shaban_qosja
Anëtar Aktiv
Regjistruar: 24/08/2003
Vendbanimi: Paris
Mesazhe: 371
|
Préface
Bien longtemps avant que la Providence nous jeta sur les bords de l’Albanie, nous avions vu des Albanais, et nous nous étions dit: voilà de vraiment beaux hommes. La bonne idée que nous en avions conçue se fortifia ensuite dans les rapports que nous eûmes avec Bib Doda, prince des Mirdites.
C’est alors que nous vint la pensée d’étudier, aux clartés de l’histoire, un peuple qui présentait de si beaux types, offrait tant de grandeur, inspirait tant d’estime.
Malheureusement personne, du moins à notre connaissance, n’a écrit son histoire. Force nous a donc été de noter patiemment nousmêmes les faits relatifs à l’Albanie que nous trouverions épars dans les historiens et les documents étrangers.
Qu’est-il résulté de ce long et pénible travail? La série incomplète sans doute, mais série enfin de faits, les uns civils, les autres religieux, que nous pouvons mettre aujourd’hui sous les yeux du lecteur.
Peut-être encore ces faits n’eussent-ils pas été classés dans un certain ordre chronologique sans un voyage que nous fîmes à Gortcha (le Gurudje des Turcs) en 1884, et au retour duquel nous éprouvâmes le besoin de faire profiter aux autres des matériaux que nous avions péniblement recueillis.
C’est un fait, que depuis l’occupation romaine l’Albanie ne s’est jamais politiquement appartenu. Dès lors, pour faire son histoire, on ne pouvait compter sur les évolutions politiques de sa vie nationale.
Mais, à défaut d’événements politiques, on pouvait, ce semble, compter sur les manifestations de sa vie religieuse. Aussi bien le pays avait-il été christianisé de bonne heure, et le primat d’Illyrie avait-il cherché un asile au milieu des montagnes albanaises, après la destruction de Justinianée par les Avares.
Le malheur a voulu que nous eussions compté sans les Gréco-Byzantins, et sans leur vandalisme. Oui, c’est à leur vandalisme que nous devons la destruction des monuments qui nous eussent initiés, non pas seulement à la vie religieuse du peuple albanais, mais encore de toute la presqu’île illyrienne: Ochride-Justinianée ayant été sa métropole de 535 à 1767.
Pour l’historien, la destruction des archives d’une métropole aussi importante et aussi vaste que la Métropole de Ochride-Justinianée est une perte qu’on ne saurait trop regretter, car outre l’immense intérêt qui s’y rattache, beaucoup de faits religieux auraient servi de jalons à des faits civils.
Et toutefois qu’est-ce que ces pertes matérielles comparées au mal que l’esprit byzantin a fait, sans distinction de groupe, à tous les peuples d’Illyrie. La conquête romaine n’avait pas seulement brisé les barrières politiques qui s’élevaient entre eux, elle les avait aussi disposés à une de ces unités politiques comme il s’en est formé ailleurs: en France, en Italie, en Espagne...
Mais que fit Byzance? Elle accourut pour convertir aux hérésies grecques ceux que les apôtres avaient convertis au Christianisme, et pour transformer en Hellènes ceux que Rome avait transformés en Romains. Et à quel moment est arrivée cette intempestive ingérence? Juste au moment où se faisait, en Illyrie, le travail d’assimilation morale que Rome et le Christianisme avaient si laborieusement préparée.
Ce travail une fois interrompu, cette première amalgamation dissoute, on revint naturellement à l’individualisme national d’où Rome et le Christianisme avaient tiré le pays. Et chose vraiment déplorable, au lieu d’être unis, tous ces peuples aujourd’hui se jalousent, se détruisent, se méprisent l’un l’autre.
Bien plus, ailleurs aussi des immigrations ont eu lieu, mais les immigrés ont été convertis par les indigènes. Au lieu que, grâce à l’esprit byzantin, l’arrivée de nouveaux habitants n’a fait que multiplier les antipathies, accroître le désordre, creuser un abîme.
Il n’est pas inutile de remarquer aussi que l’enjeu des querelles théologiques, violentes et séculaires, entre Rome et Byzance, a été l’Illyrie. C’est à Byzance, rarement ailleurs, qu’avaient lieu les disputes théologiques, mais c’est pour la possession de l’Illyrie et d’Ochride, sa métropole, qu’on s’est à peu près toujours disputé.
Or le premier soin de Byzance, restée maîtresse d’Ochride, a été non pas de laisser les Illyriens former un état à part, comme il s’en est formé ailleurs. mais de byzantiniser ceux que Rome avait romanisés, et d’y substituer l’idiome grec, d’abord au latin, puis aux idiomes indigènes, qui fussent devenus patois à mesure qu’une langue officielle acceptée de tous aurait prévalu.
Et maintenant quel sera l’avenir de ces races infortunées et de ces malheureux pays? Nous l’ignorons. Seulement une chose paraît certaine. C’est que le moment de former un grand état est à jamais perdu. Ajoutez que plus les Grecs s’imposeront des sacrifices pour gagner tantôt l’un, tantôt l’autre, et plus ils se rendront odieux.
Pour ce qui concerne l’intérêt actuel qui s’attache à la connaissance non seulement de l’Albanie, mais encore de toute la presqu’île illyrienne, nous le voyons d’autant plus considérable que l’Europe industrieuse et civilisée y fait aujourd’hui ce que la même Europe barbare et vagabonde y a fait jadis.
Les rôles sont donc maintenant renversés. Mais quel malheur pour le pays! Or c’est à Byzance que les Illyrico-Romains: Albanais, Valaques et autres doivent attribuer tout ensemble et leur fractionnement social et leur effondrement politique.
Quant aux faits historiques enregistrés par nous, facilement on verra que plus nombreux à certaines époques, ils sont vraiment trop rare en d’autres. Mais la faute en est à l’absence de documents, non pas à nous. Tout ce que nous pouvions faire, c’est de fouiller nous-mêmes dans le plus d’histoires possible, lassant à des plus heureux le soin de compléter notre ébauche.
On s’étonnera peut-être aussi qu’au lieu de nous borner à ce qu’on appelle maintenant Albanie, nous y avons compris l’histoire des Macédoniens. La raison en est que, d’après Strabon, Macédoniens et Albanais d’Epire formaient un même peuple. Effectivement Strabon de Sinope qu’on sait avoir visité ces pays, dit: “qu’Albanais et Macédoniens parlaient une même langue, donnaient la même forme à leurs habits, se coupaient les cheveux de la même manière et qu’ils avaient d’autres chose communes, au point que plusieurs étendent la Macédoine jusqu’à Corcyre (Corfou)...” Aujourd’hui les Grecs se disent de même race que les Macédoniens. Le président des ministres du roi Georges en est venu jusqu’à prétendre que: “la Grèce se rattache à la Macédoine par la communauté de race et de traditions historiques” (circulaire du 10 octobre 1885).
M. Deliyanni n’a donc pas vu Démosthène qualifier les Macédoniens de barbares, et Philippe III de roi des barbares? Tant il est vrai qu’aux yeux des anciens Grecs, les Macédoniens étaient pour eux d’une race étrangère.
Quant aux Bulgaro-Slaves, nous avons dû en faire mention plusieurs fois, et cela pour rappeler d’abord les circonstances où ils ont remplacé en Macédoine et en Mésie la race albano-roumaine, ensuite la protection dont ils avaient couverte soit la Métropole illyrienne, soit les peuples relevant d’elle. L’origine gallo-celtique de l’empire Ottoman dont l’Albanie forme aujourd’hui trois grande provinces ou ‘vilayet,’ aurait exigé de plus longs détails. Mais ici, nous n’avons pu que résumer une longue dissertation faite auparavant et que peut-être nous imprimerons ailleurs.
Le jugement que nous avons porté sur les Serbes et en particulier sur le fameux Douchan, paraîtra sévère. Mais nous avons dû juger ce prétendu grand homme non pas d’après les contes serbes, mais d’après les actes, d’après son ‘zacon,’ d’après son hôte Cantacuzène, enfin d’après les rapports des légats qu’il faisait venir de Rome et qu’il renvoyait ensuite malhonnêtement
Des savants ont prétendu qu’un tiers des radicaux albanais était latin, un tiers grec et un tiers illyrien. Mais au lieu de faire emprunter par les Albanais des mots aux langues latines et grecques, ne vaudrait-il pas mieux les faire emprunter par les Latins et les Grecs à la langue pélasgique qui passe incontestablement pour la première langue importée en Italie et en Grèce, et dont l’albanais passe ordinairement pour le seul idiome conservé jusqu’à nos jours.
Admettons que l’albanais soit pauvre, c’est-à-dire qu’il n’a pas été cultivé. Mais ôtez à la plus cultivée des langues les mots scientifiques empruntés à d’autres, à quoi se réduira-t-elle? La question revient donc à ceci: les Albanais ont-ils, oui ou non, les mots dont jusqu’ici ils ont eu besoin et leur idiome se prête-t-il, oui ou non, à la formation des mots nécessaires à la culture des sciences en Albanie?
L’honorable M. Dozon, ex-consul de France à Janina, dont le témoignage doit faire autorité, et qui, par son recueil de chants, sa grammaire et son vocabulaire, a certainement bien mérité de l’Albanie, affirme que: “sous le rapport phonétique le Schkipe est d’une abondance et d’une variété qui dépassent de beaucoup la langue d’Aristophane.” Combien le clergé grec n’est-il pas coupable d’avoir empêché et d’empêcher encore aujourd’hui la culture de ce bel idiome!
Les Grecs nous vantent leur littérature à commencer par Homère. Mais Homère lui-même de quelles écoles grecques est-il sorti? A quelles écoles s’est-il formé? Antérieurement aux écoles grecques, il y a donc eu des écoles pélasgiques, et une littérature grandiose et parfaite qui a servi de base à la littérature grecque, comme les édifices cyclopéens ont servi de base aux édifices éphémères construits par les anciens Grecs.
Quelle que soit la valeur de la littérature grecque, la postérité blâmera certainement et tous Albanais qui la cultive au mépris de la sienne, et tout riche Albanais qui fonde des écoles aux Grecs, au lieux d’en fonder à ses propres concitoyens.
A l’inauguration du Zappion (21 juillet 1885), le jeune Jappa a parlé “des sentiments vraiment humanitaires” du fondateur, son oncle. Mais combien loin n’y a-t-il pas des sentiments humanitaires à des sentiments patriotiques. Dès lors qu’a fait Jappa de Lébovo (Premetti)? Il a simplement donné un scandale de plus, Sans doutes que les Grecs y ont applaudi. Mais les vrais Albanais ont’ils pu n’en pas gémir?
Malheureusement, Jappa n’est pas le seul. Le fameux Zographos Christaki en avait donné bien d’autres. Chose étonnante, eux et d’autres croient s’honorer, et ils se couvrent d’une honte d’autant plus hideuse que l’Albanie est le plus arrière des pays d’Europe en fait d’éducation; et peut-être le seul au monde des peuples non barbares qui n’ait pas sa littérature nationale.
Presque aussi nombreux que les Albanais, mais plus dispersés qu’eux, les Romano-Valaques dont en plusieurs chapitres nous avons parlé, n’ont que tout dernièrement commencé de s’instruire en leur propre langue. Au temps de Rome, ils cultivaient le latin dont le Volsque (Valaque) était le dialecte vulgaire. Maintenant c’est par le Valaque ou Volsque, leur idiome de famille, qu’ils veulent commencer leur éducation domestique. Qui peut ne pas les en féliciter? Et ne pas désirer voir les Albanais, imitant leur exemple, faire revivre le bel idiome des Pélasges.
Mêlés en Albanie, en Macédoine et ailleurs depuis l’époque romaine, Valaques et Albanais s’étendirent plus tard en Grèce d’où les Grecs s’étaient enfuis. Et à proprement parler, ce sont eux qui rependaient leur sang au moment où l’Europe intervint et fit ce petit royaume où tout aussitôt les Gréco-Phanariotes accoururent de partout, comme ils étaient accourus de partout lorsque Constantin fonda Byzance.
Cependant Valaques et Albanais ont enfin compris la mystification dont ils ont été victimes, et ils savent comment les Grecs s’approprient le travail des autres. Jadis à Constantinople, pour se donner du ton, les grécisants prirent le nom de Romain, comme les hellénisants prennent aujourd’hui le nom d’Hellène. Mais une telle ruse a fait son temps. Elle est forcée à jour, et les Sylloghues hellénisateurs auront tôt ou tard travaillé pour d’autres que pour les Grecs.
Sans doute qu’au temps de Rome, Valaques et Albanais parlaient comme aujourd’hui leurs idiomes particuliers au foyer domestique. Mais pour les relations générales, ils avaient besoin du latin qu’ils apprenaient dans les écoles publiques.
Qu’ils parlent donc en famille leurs propres idiomes et les cultivent dans les institutions communales. Leur sentiments patriotiques n’en seront que plus forts et plus vivaces. Mais, eux-mêmes, nous ont dit souvent que pour le commerce et d’autres relations, ils ont besoin d’une langue plus étendue que le grec, une langue qui les mette en rapport avec le reste du monde.
Jean-Claude Faveyrial 1884-1889
Denonco këtë mesazh tek moderatorët | IP: e regjistruar
|